lundi 21 janvier 2008

Pastel sec sur toile (3)

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Question de Catherine, 11 janvier 2008

Le pastel est-il plus "pénétrant" sur papier Canson ou sur la toile ? Je pencherais pour le papier Canson. Je trouve les couleurs plus lisses, plus pénétrantes, plus belles, bien fondues, conservant tout ce que je veux montrer de puissant dans le choix de ce que je veux représenter dans le coup de crayon à mine... Je me lance à peine sur la toile c'est un fait mais le grain du lin de la toile accroche (peut être) le pastel : comment puis-je y remédier ? Ou est-ce irréversible ?


Réponse

C’est un peu un défi d’utiliser la toile en tant que support au pastel sec, mais l’art sans défi serait-il encore de l’art ?

La toile de lin est un bon choix. Une toile en fibres synthétiques aura tendance à rejeter la poudre du pastel, une toile en coton est poussive pour le pastel !

La texture irrégulièrement tramée de la toile de lin offre un support chaleureux, solide, de bonne tenue, agréable au toucher. Depuis l'Antiquité ce textile exerce une fascination sur les artistes. Cf. par exemple les portraits du Fayoum.

Travailler, à l’ère du cybernétique avec du pigment de pastel, médium si proche de la peinture rupestre, et sur un support de toile, prouve la nécessité du contact matériel avec l’œuvre, fondée dans les profondeurs mystérieuses de l’âme humaine depuis la nuit des temps.

En principe, le pigment du pastel est plus respecté sur support de papier car il s’y étale facilement, il n’est pas « forcé ». La toile tend à absorber le pigment ou à le rejeter en fonction de la texture de sa surface.

Sur une toile brute, le pastel aurait de la difficulté à bien s’étaler et de la poudre traverserait par endroit les fibres. Mais pour conserver le côté sauvage de la toile de lin naturelle, on peut la maroufler (coller) sur un panneau rigide.


Ci-dessous la reproduction d’un pastel sur toile de Arthur Dove, provenant du site
« O século prodigioso »
Arthur Dove (peintre Américain 1880-1946) a réalisé des pastels sur toile de lin, parfois marouflée sur bois.


« Vache » 1914. Pastel sur toile, 45,1 x 54,6 cm.
Alfred Stieglitz collection. 1949 (49-70-72)



La qualité du support de toile est tributaire de sa préparation. Sur une toile préparée pour la peinture à l’huile, l’enduit risque d’être un peu trop lisse pour une bonne adhérence du pastel. Essayez de tester les toiles préparées pour l’acrylique. Vous pourriez éventuellement enduire vous-même la toile à l’aide d’une base acrylique pour pastels.

Les gels « Golden » par exemple sont composés d’une résine acrylique permettant d’obtenir un film plus ou moins épais selon le gel utilisé. L’émulsion laiteuse devient translucide en séchant.

Vous qui appréciez la force de la couleur alliée à l'ingénuité du geste, vous pourriez essayer le pastel à l'huile sur toile. Les couleurs du pastel à l’huile sont intenses et ont une très bonne accroche sur la toile, quelle soit brute ou préparée.






A suivre
Pastel sec sur toile (1)
Pastel sec sur toile (2)







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mercredi 16 janvier 2008

Pastel sec sur toile (2)


« A propos de ma méthode de travail :
la première des choses, c’est l’état d’esprit.
L’allégresse. »

Alexander Calder




Réponses aux interrogations de Catherine

8 janvier 2008


Je viens une nouvelle fois vers vous car j'ai deux autres tableaux à vous faire découvrir :
le premier "la corne du toro" a été fait récemment
le deuxième "la quadrilla" pastel bleu peint à mes débuts (qui remonte à un an et demie).

Merci des vos envois. La corne du taureau semble contenir l’abondance de vos œuvres à venir… Je conserve vos scans dans un dossier avec ceux d’autres internautes. A l'occasion j’en sélectionnerai, avec votre autorisation, pour illustration.


Je vais vous dire comment je procède : j'esquisse au crayon à mine le dessin que je souhaite reproduire, puis je travaille avec les pastels.

La mine de votre crayon : est-ce du graphite ?
La mine graphite serait contre-indiquée en sous-couche du pastel car elle est grasse. Les matériaux gras doivent en théorie couvrir des matériaux moins gras et non le contraire, car le gras remonte à la surface. Mais on peut aimer les effets du pastel un peu luisant et ceux du graphite transparaissant sous le pastel. Le graphite sous-jacent pouvant être renforcé des reflets argentés de rehauts au graphite.

Si vous utilisez un crayon de couleur, (pigments mêlés à de l'argile pure et de la cire) le pastel aura tendance à un peu patiner sur le trait, sauf s’il est léger, étant donné que la texture du tracé de la mine est lisse.

Un dessin systématique avant le passage de la couleur risque parfois de s’apparenter à du coloriage aux dépens de la peinture et la fascination qu'elle procure quand la forme surgit de la couleur.

Le bâtonnet de pastel peut servir de crayon de dessin.


Je fais un tableau en deux heures. En principe, je n'y reviens pas dessus, je ne le fignole pas.

La spontanéité s’accorde à la nature intrinsèque du pastel, peu associée à la surcharge. Le pastel ne tolère pas la superposition de plus de deux couches de poudre. Plus les couches sont légères plus y circule librement la lumière. Un pastel trop travaillé tourne rapidement à l’épreuve terne et figée.

Sur toile, l’étalement de la couleur est un peu bridé par le parcours noueux des fibres du textile. La couleur doit être passée de façon insistante pour être uniforme. Sur support papier, le bâtonnet de pastel glisse. De ce fait, l’étalement du pastel est plus aéré, et laisse parfois sourdre la tonalité du support de papier, en résonance à la couleur poudrée.

Difficile, en effet, de préciser des détails au pastel sur la toile. La rusticité de la toile n’autorise pas des tracés méticuleux.


Est-ce normal ou suis-je trop rapide ?

La normalité n’existe pas en art !


Comment procédez-vous ?

Je travaille de façon impulsive et à l'instinct. Le plus souvent sous forme de séries et si possible d’après modèle vivant.


Ensuite, j'installe les tableaux au salon et du canapé je peux plonger mon regard de l'un à l'autre et ainsi les voir constamment. Là je suis très critique et je demande l'avis de mon entourage.
J'ai du plaisir à les regarder.

L’artiste reste à l’intérieur de son œuvre, il ne lui est pas possible d’être à la fois à sa fenêtre et de se regarder passer dans la rue. On ne voit bien qu’avec le regard d’autrui ! Ainsi les échanges critiques autour de l’œuvre sont pur bonheur. Ils donnent du poids à l’œuvre et encouragent l’artiste.

L’observation contemplative de vos œuvres est probablement un moment de réconciliation avec vous-même et, à ce titre, un bienfait.

La satisfaction la plus jubilatoire réside cependant dans le corps à corps avec l’œuvre en gestation.


Et quand un ami désire me l'acheter, je suis toujours triste de m'en séparer.

Cette tristesse est peut-être la conséquence d’une peur de l’inconnu, la crainte inconsciente de se lancer dans l’exploration de nouvelles oeuvres ?

L’acquéreur de l’œuvre fait acte d’amour. Son acquisition est le compliment suprême… et silencieux ! L’œuvre va alors commencer à vivre dans un environnement où elle sera reconnue et aimée. Sinon un jour elle risque de s’étouffer, entassée sous d’autres œuvres, et d’amoindrir en l’artiste la motivation de peindre. « Il dépend de celui qui passe que je sois tombe ou trésor » Paul Valéry.

On se sépare de la production matérielle, mais jamais de son esprit. La preuve est que l’œuvre d’art appartient à son propriétaire mais les droits d’auteur appartiennent à l’artiste !

L’œuvre terminée est une dynamique pour le commencement d’une autre, et non une fin en soi. La plus passionnante des œuvres est celle qu’on est en train de faire…








A suivre

Pastel sec sur toile (1)

Pastel sec sur toile (3)








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jeudi 10 janvier 2008

Pastel sec sur toile (1)




Question de Catherine, 17 décembre 2007

Après avoir peint sur du papier Canson, je me lance dans la toile toujours avec le pastel. Est-ce possible de peindre avec le pastel sec sur la toile ? J'ai fait, tout de même, un essai et produit une marine qui me plait bien. Je vous envoie ma dernière création sur le thème de la tauromachie. Qu'en pensez-vous ?



Réponse

Oui, on peut peindre au pastel sec sur une toile mais il y a quelques inconvénients. Le pastel perdra un peu de son éclat sur la surface de la toile qui aura tendance à freiner la touche poudreuse. Par ailleurs, une fixation éventuelle à l’aide d’un fixatif sera moins efficace que sur un support papier.

Cependant la poudre de pastel n’est pas très stable sur le relief de la toile et, si le support est un peu poreux, de la poudre risque de s’infiltrer dans les interstices de la toile. Il serait, dans ce cas, nécessaire d’enduire la toile au préalable d'un enduit convenant au pastel.

Merci d’avoir eu la bonne idée d’envoyer une reproduction d’œuvre. Voir ci-dessous.


L’œuvre est très originale, et stylisée. Est-ce une mise en scène imaginaire ou vous êtes-vous inspirée d’une image ?

La composition est équilibrée malgré l’impact de la masse sombre qui sort du cadre. Les « cellules » brodées du gilet de lumières du toréador font écho à la géométrie de l’arrière-plan ainsi qu’un lien architecturé entre le sujet et le fond ; exemple : une pointe vive du gilet, prête à piquer le taureau, répond à l’angle rouge du fond…

La technique double du pastel (à la fois dessin et peinture) est utilisée de façon optimale. Des aplats de couleur contrastés pour le côté peinture et un graphisme prononcé côté dessin. La partie du support laissée à découvert, façon esquisse, donne un point de fuite à l’œuvre.

Vous n’avez pas eu à superposer des couches de pastel, ce qui est l’idéal. En effet, les superpositions peuvent vite tourner au barbouillage. Ainsi, vos couleurs conservent-elles toute leur fraîcheur.

Cette œuvre est très symbolique à la limite du politique ! Le côté un peu naïf du traitement, le calme qui en émane et la composition fusionnelle de l’homme et la bête en font la force.

A première vue, j’ai cru percevoir, à la place de la corne du taureau, la jambe du toréador vaincu sur un tombereau ! Puis de la végétation et des oiseaux dans les tracés chantants de la tête du taureau ! (Retour de la bête à la nature ?)
L'intensité d’une œuvre réside dans son taux d’imaginaire émotionnel et dans les interprétations qu’elle suscite ! Par exemple la tête du taureau peut être vue de face et de profil à la fois, avec l’œil gauche bien visible. Cette tête remplace celle du toréador et on se demande qui est le bourreau de qui, votre œuvre paraissant mettre tout le monde à égalité…



NB : Encadrement
Le passe-partout bicolore entre en concurrence avec les couleurs de l’œuvre. La fonction du passe-partout étant de mettre l’œuvre en valeur, mieux vaut qu’il soit de couleur neutre.



A suivre

Pastel sec sur toile (2)

Pastel sec sur toile (3)













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