vendredi 5 décembre 2008

Comment superposer les couches de pastel sans les fixer ? (1)

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Réponse aux questions de Leszeck (voir toutes les questions)



3 - Peut-on superposer plusieurs couches sans les fixer, certains artistes expérimentés opèrent de cette manière ?

Au pastel, le mélange des couleurs s’opère directement sur le support. En tant que poudre, les couches de pastel sont naturellement instables. Comment alors optimiser la fixation du pastel au support sans l’aide d’un fixatif ? Voici quelques réflexions autour de l’aspect technique et artistique d’une accroche du pastel non assistée !

1) Aspect technique : l’accroche du pastel au support
- Qualité du support
- Qualité du bâtonnet de pastel
- Travail de la couleur

2) Aspect artistique : la créativité de l’artiste (à suivre dans prochain message)
Observation d’un pastel de Vuillard
Observation d’un pastel de Riopelle


L’accroche du pastel au support

Qualité du support

Le support a une grande importance dans l’œuvre picturale car la façon dont il recueille et assimile la couleur fait partie du bâti de l’œuvre. Dans le cas du pastel, la qualité du support est fondamentale pour la fixation de la fugace poudre.


Support non lisse
Tout support non lisse retient la poudre du pastel : papier, carton, bois, plâtre… Certains supports ont des tramages adaptés à la spécificité du pastel ; texture douce : papier Ingres, papier vergé, Mi-teintes de Canson ; texture rêche : carton « Pastel card » de Sennelier, encollé de poudre de liège.

Un papier aquarelle à grain convient également. La richesse du pigment y est mise en relief, l’aspect laiteux du pastel s’y révèle ainsi que des transparences. Par ailleurs, si le pastel est étalé mouillé, il fait corps avec le support, une fois séché, à l’exception de petits amas de poudre agglomérée qui pourraient se détacher comme boue séchée par endroit.

Préparer le support pour donner plus de mordant. Exemple, enduire la surface d’un papier, de préférence épais, de poudres de marbre liées à une résine ou d’un Gesso prêt à l’emploi, texturé pour le pastel…

Le papier verre extra fin accepte volontiers la charge de plusieurs couches de pastel, au risque de restituer l’excédent de poudre. Un excès de rugosité, ne permet pas toutefois d’obtenir des nuances fines. Sauf, qu’il n’y a pas une vérité en art, mais autant de vérités que d’artistes ! Ainsi, la texture aux douces nuances des pastels de Quentin de la Tour peut-elle prendre appui sur un support enduit de poudre de verre bleu, dont la stabilité, par ailleurs, permettait de conserver sa pérennité à la couleur bleue du fond !


Couleur du support
De laisser par endroit transparaître la couleur originelle du support, engendre une couleur et un éclairage sous-jacent.


Marouflage
Maroufler (coller) l’œuvre au pastel, exécutée sur papier, sur un support rigide ou une toile, en consolide les pigments, mais l’opération est délicate. L’œuvre, une fois marouflée, accepte d’être retravaillée.


Qualité du bâtonnet de pastel

Les bâtonnets de pastel sont composés de pigments, d’une charge, la craie, et d’un liant (une colle, la gomme arabique généralement.) Chaque fabricant a ses propres dosages et secrets de fabrication.

Une part de colle importante consolide le bâtonnet et donne une poudre fine, légère. En revanche, les pigments d’un bâtonnet de pastel à « pulpe » tendre ont une faible quantité de liant, ce qui les rend friables mais dote leur poudre d’une texture couvrante et moelleuse.

Superposer les couches de pastel crescendo, de la plus fine à la plus chargée garantit une bonne tenue des superpositions. Par exemple commencer le travail directement à l’aide de pastel léger, tel Rembrandt de chez Talens ou d’une base avec d’autres médiums : fusain, craie, peinture… Superposer par exemple du pastel Sennelier dont la poudre très pigmentée est couvrante ou le pastel précieux à base de couleurs naturelles, minérales et végétales de l’Artisan Pastellier.
Terminer par des touches de pastel Schmincke, les plus veloutés des pastels et qui n’acceptent pas d’être couverts par d’autres poudres !


Travail de la couleur

La façon d’appréhender le pastel varie à l’infini de l’imagination artistique. Noter que, travaillé à l’économie, couches fines, notations, discrets rehauts, le pastel adhère plus sûrement au support.


Touches variées
L’inconstance de la poudre induit de multiples variations de textures. Superpositions de tracés, couches en aplats, estompe partielle ou totale, pastel insensiblement effacé par endroit, pastel gratté, frotté, humecté, étalé à l’éponge, gommé... Retirer de la couleur à la gomme mie de pain, dont la texture est agglutinante, permet aussi de faire adhérer la couleur résiduelle au support.

En cas d’estompage, veiller à exercer une pression légère pour faire pénétrer la poudre dans les pores du papier, sinon la surface risque de devenir glissante et donc impropre à recevoir de nouveaux apports de pastel. Un estompage délicat fixe la poudre au support, et sans perdre trop de luminosité.

Les contraintes obligent l’artiste à s’ingénier et partant à faire des découvertes. Comme dans tous les arts, c’est la partie obstinée du matériau qui révèle l’artiste à lui-même.


Monochromie
La monochromie évite la saturation des superpositions ! Le passage d’une couleur pure, éventuellement modulée de tonalités, se prête parfaitement à la nature du pastel toujours un peu porteur de l’idée du dessin de par sa substance poudreuse et la richesse de son trait. En outre, les teintes monochromes conservant leur intégrité réfractent la lumière en toute limpidité.
La bichromie ou usage de deux couleurs est, naturellement, bien tolérée par le pastel.












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samedi 26 avril 2008

La poudre de pastel est-elle déconcertante ?


Réponse aux questions de Leszeck (voir toutes les questions)

Très attiré par le pastel, j'hésite néanmoins à franchir le pas car l'instabilité de la poudre me déconcerte quelque peu (comme l'eau en aquarelle.)
Peindre est une pratique d’ordre physique, empirique, et plus on se pose de questions avant de l’appréhender, plus on diffère le moment de l’affrontement avec le matériau, ce corps à corps indispensable à la création de l’œuvre.

Mais le physique et le mental s’influencent réciproquement et vous êtes possiblement pour l’instant dans la période d’expectative où un artiste ressent instinctivement l’impulsion du matériau qui lui conviendrait mais n’ose pas l’éprouver car il estime qu’il n’est pas prêt ; un peu comme pour différer le moment de la rencontre avec quelque chose de l’ordre du sacré ! En attendant, tout matériau fondera l'apprentissage d’une quête de vérité et il peut arriver qu’un jour le pastel s’impose à vous.

L’instabilité de la poudre, celle de l’eau, ouvrent la voie à l’aventure de l’exploration artistique…une terre à découvrir, une mer à prendre… !


Impression de ne pas maîtriser les effets.

Tantôt l’artiste domine la matière tantôt elle le domine, et l’œuvre naît de cette joute perpétuelle. Il est vrai qu’avec le pastel, l’artiste a plus l’impression d’accueillir et de s’adapter que de dominer le matériau ! Mais n’est-ce pas cet état de mise à disposition qui va lui permettre de se former à la matière, d’en pénétrer les secrets jusqu’à parfois l’inspirer ? A trop vouloir dominer on risquerait de ne plus se renouveler !

Le pastel tendre est composé de pigments presque à l’état pur car très peu modifiés par la nature du liant ou autre adjuvant, ce qui est une rareté en art pictural ! Cette spécificité fait l’étrangeté de la poudre du pastel : une touche lourde de matière n’est cependant accrochée aux pores du support que par un fil ! La poudre est légère, volatile, mais en couche fine elle adhère assez bien au support et sa trace, une fois fondue, a la ténacité opiniâtre du pigment !

L’instabilité de la poudre de pastel donne l’impression à l’artiste de manquer de prise sur le réel, de glisser dans les nues. D’autant que la capricieuse poudre a le pouvoir atmosphérique de faire passer d’effets de lumière subitement et irrémédiablement enterrés, à des effets de lumières magiques jaillissant du pur hasard d’une gestuelle !

On apprend alors à composer avec le matériau, et de façon inédite, vu la grande diversité des textures que les riches pigments du pastel induisent. Ainsi, l’instabilité de la poudre va-t-elle mobiliser l’artiste pour l’aventure.


Le pastel, matériau primaire, porte en gestation des ressources très diversifiées :
Le bâtonnet offre l’intensité directe de sa couleur pure. En fonction de la pression sur le bâtonnet, la couleur peut soit avoir la légèreté d’un souffle jusqu’à laisser percevoir la trame du support, soit être plus ou moins couvrante et opaque.
Deux couleurs superposées n’apportent pas toujours les nuances exactement souhaitées, mais en revanche souvent la surprise de tonalités inespérées en luminosité. Les couleurs étalées peuvent être fondues par estompage.
Le bâtonnet peut être utilisé sur le chant pour tout graphisme. En superposition, les traits ouvrent la voie à des effets optiques de matière et de profondeur.

Et le pastel n’a pas encore dévoilé qu’il se prêtait avantageusement aux techniques mixtes ! Sous forme de rehauts, le trait de pastel nourrit généreusement une œuvre de sa riche texture. En contact avec des médiums à bon pouvoir d’accroche au support, le pastel se stabilise en incandescent parasite !

En outre, le pastel est un médium dont la facture est aussi expressive en dessin qu’en peinture ! Quelques traits sur une feuille et jaillissent opulence de substance, intensité de coloris, vibrations de lumière. Puissant est le trait de pastel d'un dessin spartiate ! Quand la poudre recouvre complètement le support, à la manière de la peinture, un excès de riche matière risque à la limite de s’annihiler.
Voici quelques exemples d’innovations à partir d'oeuvres de peintres à sensibilité intimiste : Chardin, Degas, Redon, Rouault.







Jean Siméon Chardin

Autoportrait au crayon, 1775 - 1779. Pastel sur papier bleu. Musée du Louvre, Département des Arts graphiques.Image en provenance de http://www.insecula.com

« On se sert des couleurs mais on peint avec le sentiment !» Chardin

Venu tard au pastel, Chardin a l’autorité pour le prendre d’assaut en toute hardiesse, à l’encontre de la séduisante texture raffinée des pastels académiques du XVIII° siècle, souhaitant démontrer l’égalité hiérarchique pastel - peinture à l’huile. (Rosalba Carriera, Quentin de la Tour, Perroneau, Liotard …)

Le « sentiment » de Chardin devait être puissant étant donné la force de ses touches de pastel individualisées, laissées à l’état brut, épaisses, carrées, et juxtaposées à des surfaces non estompées, donc propres à la palpitation du grain pigmenté.

Les innovations techniques de Chardin sont aussi probablement liées pour une part à sa vue devenue très déficiente, qu’il compensait, de la sorte, par des effets audacieux de couleur-matière. Pour des raisons analogues, Degas aussi se débridera dans le pastel.

Cet autoportrait recueilli, tout en pénombre, est l’une de ses dernières oeuvres. Le regard, déjà détaché du monde, frappe pourtant celui du spectateur de façon déterminée en signe bienveillant de transmission. Des éclats écrasés de rouge vermillon sur les mains et sur des parties du visage, contrastés de lueurs bleues et vertes, préfigurent le fauvisme et les coloristes de la peinture moderne de Jawlenski à de Staël.

Et en exergue du portrait, né de la main de l’artiste, le rouge ardent de ce bâtonnet de pastel, chargé de silence fervent comme une main éclairée à la bougie dans une peinture de Georges de La Tour ! Pierre Rosenberg (Historien d’art) commente ainsi la symbolique du bâtonnet « Dans son dernier pastel, Chardin utilise une seule tache rouge représentant un crayon de couleur. Une manière de dire : jusqu’à la fin, c’est avec cela que je m’exprimerai. »



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Edgar Degas
Femme s’essuyant les cheveux, pastel, vers 1905-1910, 71,1 x 62,2 cm, Norton Simon Foundation, Pasadena.
Image extraite du livre « Degas, les nus » de Richard Thomson. Nathan.


La matière des pastels de Degas est constituée de lignes, le dessin étant primordial chez lui. Degas peut multiplier les superpositions de poudre du pastel car il en fixe chaque couche. Des réseaux de vives hachures, enchevêtrées par le biais des superpositions, créent profondeurs, transparences, reflets nacrés, toute une épaisseur luxuriante comme la chair domptée d’éclairs des nus tardifs.

Le nu observé ici semble outrepasser les limites dissonantes des couleurs coutumières du peintre. Degas, en sa vue affaiblie, se laisse aller à l’abandon de tout perfectionnisme sur ce modèle dont il a exécuté auparavant des séries jusqu’à la saturation ! Noter combien les biffures rageuses au pastel lactescent s’éclairent de lustre sur les trames hachurées de demi-teintes sombres des sous-couches.

Le nu prend alors son autonomie vibratoire et les deux pans de la serviette blanche s’ouvrent comme une coque de mer sur un nu rose cuisse de nymphe, discordant sur le fond saumoné, hachuré rose et jaune, de la tapisserie !






Odilon Redon
Jeanne d’Arc, vers 1900Pastel, 27,5 x 52 cm. Musée d’Orsay, Paris
Image extraite du livre « Redon » chez Taschen, 1995

Les contours incertains de l’œuvre au pastel conviennent à Redon, peintre de l’intériorité. Effets fugitifs, évocateurs, modelé diffus, texture éphémère. « Mes dessins inspirent et ne se définissent pas. Ils ne déterminent rien. Ils nous placent, ainsi que la musique, dans le monde ambigu de l’indéterminé »

Chez Redon le pastel effleure le support. C’est le cas de ce portrait symbolique de Jeanne d’Arc. Une couche de pastel à main levée suffit à faire vibrer la couleur. La poudre rouge Cadmium posée sur le support de papier noir, contrastée dans les interstices de quelques ponctuations Outremer et ensoleillée d’un peu de jaune par endroit, ruisselle de lumière ; le rouge devient une forêt de magma sur laquelle se découpe le profil impassible du sujet coiffé d’un chignon d’abondance phosphorescent d’entrelacs ciselés comme un vitrail de feuilles, (y médite une divinité dans la nature ?) finalement voilés d’estompe et d’une nuée de sulfate !

D’autre part, la simplicité de la composition donne intemporalité à l’œuvre. Profil émergeant d’une fresque de Piero della Francesca ou d’une bande dessinée moderne ? La bulle soufflée, pastellée sans fusion, à même le fond noir, reluit comme un cristal de voyance ; descend du ciel profond en poisson cosmique !








Georges Rouault

Le chahut, 1905
Aquarelle et pastel, 71 x 55 cm. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris.
Image extraite du livre « Rouault » par Bernard Dorival, Flammarion 1992


Le pastel apprécie d’être travaillé en techniques mixtes. Il bonifie d’autres techniques, que ce soit en rehauts ou en mixité. De plus, travaillés en mélange avec d’autres médiums, notamment aqueux, les pigments bénéficient d’une bonne adhérence au support.

« Le chahut » est une œuvre enlevée, dessinée dans une farandole d’eau et de poudre. En crête de vague, surgit la férocité de la danseuse en un tournoiement de lacis lancés à l’aquarelle et de dispersion de pastel bleu persan et mauve rougeâtre.

Du pastel vient pondérer cette envolée tantôt traversé d’aquarelle à la flaque, tantôt recouvrant par endroit des plages aquarellées, de rehauts nerveux. Les deux médiums se boivent l’un l’autre, jusqu’à brouiller les pistes, sauf quand le pastel est essaimé en transparence sur des réserves blanches du papier.











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jeudi 24 avril 2008

Quelques interrogations sur la technique du pastel sec

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Programme


Questions de Leszek.

Très attiré par le pastel, j'hésite néanmoins à franchir le pas car l'instabilité de la poudre me déconcerte quelque peu. (comme l'eau en aquarelle)
Impression de ne pas maîtriser les effets.

Peut-on superposer plusieurs couches sans les fixer, certains artistes expérimentés opèrent de cette manière.
Avec quelques échantillons j'ai tenté l'expérience, mais rien de probant : la poudre se mélange et ne donne pas la nuance recherchée.

De plus, j'ai l'impression que le pastel est un art d'une image approximative, peu détaillée. Plutôt un travail en grandes masses de couleurs.
Et pourtant j'ai déjà vu des réalisations très détaillées. (les crayons pastel ou les craies sont certainement les outils qu'il faut pour les détails)

Peut-on réaliser une oeuvre en utilisant uniquement les crayons pastel ? Quelle en est la qualité des pigments ?
Je travaille exclusivement avec des crayons de couleur et j'ai tendance sans doute à rechercher le même résultat avec le pastel...
Voici quelques premières questions que je me pose et qui me font hésiter à me lancer.


Ces questions seront traitées dans les messages suivants :

1 - La poudre de pastel est-elle déconcertante ?

2 - Comment superposer les couches de pastel sans les fixer ?
A) Aspect technique : l’accroche du pastel au support
B) Aspect artistique : la créativité de l’artiste

3- Le pastel : art d'une image approximative peu détaillée ?

4 - Comment obtenir des détails au pastel ?

5 - Peut-on réaliser une œuvre aux crayons pastel uniquement ?












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lundi 21 janvier 2008

Pastel sec sur toile (3)

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Question de Catherine, 11 janvier 2008

Le pastel est-il plus "pénétrant" sur papier Canson ou sur la toile ? Je pencherais pour le papier Canson. Je trouve les couleurs plus lisses, plus pénétrantes, plus belles, bien fondues, conservant tout ce que je veux montrer de puissant dans le choix de ce que je veux représenter dans le coup de crayon à mine... Je me lance à peine sur la toile c'est un fait mais le grain du lin de la toile accroche (peut être) le pastel : comment puis-je y remédier ? Ou est-ce irréversible ?


Réponse

C’est un peu un défi d’utiliser la toile en tant que support au pastel sec, mais l’art sans défi serait-il encore de l’art ?

La toile de lin est un bon choix. Une toile en fibres synthétiques aura tendance à rejeter la poudre du pastel, une toile en coton est poussive pour le pastel !

La texture irrégulièrement tramée de la toile de lin offre un support chaleureux, solide, de bonne tenue, agréable au toucher. Depuis l'Antiquité ce textile exerce une fascination sur les artistes. Cf. par exemple les portraits du Fayoum.

Travailler, à l’ère du cybernétique avec du pigment de pastel, médium si proche de la peinture rupestre, et sur un support de toile, prouve la nécessité du contact matériel avec l’œuvre, fondée dans les profondeurs mystérieuses de l’âme humaine depuis la nuit des temps.

En principe, le pigment du pastel est plus respecté sur support de papier car il s’y étale facilement, il n’est pas « forcé ». La toile tend à absorber le pigment ou à le rejeter en fonction de la texture de sa surface.

Sur une toile brute, le pastel aurait de la difficulté à bien s’étaler et de la poudre traverserait par endroit les fibres. Mais pour conserver le côté sauvage de la toile de lin naturelle, on peut la maroufler (coller) sur un panneau rigide.


Ci-dessous la reproduction d’un pastel sur toile de Arthur Dove, provenant du site
« O século prodigioso »
Arthur Dove (peintre Américain 1880-1946) a réalisé des pastels sur toile de lin, parfois marouflée sur bois.


« Vache » 1914. Pastel sur toile, 45,1 x 54,6 cm.
Alfred Stieglitz collection. 1949 (49-70-72)



La qualité du support de toile est tributaire de sa préparation. Sur une toile préparée pour la peinture à l’huile, l’enduit risque d’être un peu trop lisse pour une bonne adhérence du pastel. Essayez de tester les toiles préparées pour l’acrylique. Vous pourriez éventuellement enduire vous-même la toile à l’aide d’une base acrylique pour pastels.

Les gels « Golden » par exemple sont composés d’une résine acrylique permettant d’obtenir un film plus ou moins épais selon le gel utilisé. L’émulsion laiteuse devient translucide en séchant.

Vous qui appréciez la force de la couleur alliée à l'ingénuité du geste, vous pourriez essayer le pastel à l'huile sur toile. Les couleurs du pastel à l’huile sont intenses et ont une très bonne accroche sur la toile, quelle soit brute ou préparée.






A suivre
Pastel sec sur toile (1)
Pastel sec sur toile (2)







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mercredi 16 janvier 2008

Pastel sec sur toile (2)


« A propos de ma méthode de travail :
la première des choses, c’est l’état d’esprit.
L’allégresse. »

Alexander Calder




Réponses aux interrogations de Catherine

8 janvier 2008


Je viens une nouvelle fois vers vous car j'ai deux autres tableaux à vous faire découvrir :
le premier "la corne du toro" a été fait récemment
le deuxième "la quadrilla" pastel bleu peint à mes débuts (qui remonte à un an et demie).

Merci des vos envois. La corne du taureau semble contenir l’abondance de vos œuvres à venir… Je conserve vos scans dans un dossier avec ceux d’autres internautes. A l'occasion j’en sélectionnerai, avec votre autorisation, pour illustration.


Je vais vous dire comment je procède : j'esquisse au crayon à mine le dessin que je souhaite reproduire, puis je travaille avec les pastels.

La mine de votre crayon : est-ce du graphite ?
La mine graphite serait contre-indiquée en sous-couche du pastel car elle est grasse. Les matériaux gras doivent en théorie couvrir des matériaux moins gras et non le contraire, car le gras remonte à la surface. Mais on peut aimer les effets du pastel un peu luisant et ceux du graphite transparaissant sous le pastel. Le graphite sous-jacent pouvant être renforcé des reflets argentés de rehauts au graphite.

Si vous utilisez un crayon de couleur, (pigments mêlés à de l'argile pure et de la cire) le pastel aura tendance à un peu patiner sur le trait, sauf s’il est léger, étant donné que la texture du tracé de la mine est lisse.

Un dessin systématique avant le passage de la couleur risque parfois de s’apparenter à du coloriage aux dépens de la peinture et la fascination qu'elle procure quand la forme surgit de la couleur.

Le bâtonnet de pastel peut servir de crayon de dessin.


Je fais un tableau en deux heures. En principe, je n'y reviens pas dessus, je ne le fignole pas.

La spontanéité s’accorde à la nature intrinsèque du pastel, peu associée à la surcharge. Le pastel ne tolère pas la superposition de plus de deux couches de poudre. Plus les couches sont légères plus y circule librement la lumière. Un pastel trop travaillé tourne rapidement à l’épreuve terne et figée.

Sur toile, l’étalement de la couleur est un peu bridé par le parcours noueux des fibres du textile. La couleur doit être passée de façon insistante pour être uniforme. Sur support papier, le bâtonnet de pastel glisse. De ce fait, l’étalement du pastel est plus aéré, et laisse parfois sourdre la tonalité du support de papier, en résonance à la couleur poudrée.

Difficile, en effet, de préciser des détails au pastel sur la toile. La rusticité de la toile n’autorise pas des tracés méticuleux.


Est-ce normal ou suis-je trop rapide ?

La normalité n’existe pas en art !


Comment procédez-vous ?

Je travaille de façon impulsive et à l'instinct. Le plus souvent sous forme de séries et si possible d’après modèle vivant.


Ensuite, j'installe les tableaux au salon et du canapé je peux plonger mon regard de l'un à l'autre et ainsi les voir constamment. Là je suis très critique et je demande l'avis de mon entourage.
J'ai du plaisir à les regarder.

L’artiste reste à l’intérieur de son œuvre, il ne lui est pas possible d’être à la fois à sa fenêtre et de se regarder passer dans la rue. On ne voit bien qu’avec le regard d’autrui ! Ainsi les échanges critiques autour de l’œuvre sont pur bonheur. Ils donnent du poids à l’œuvre et encouragent l’artiste.

L’observation contemplative de vos œuvres est probablement un moment de réconciliation avec vous-même et, à ce titre, un bienfait.

La satisfaction la plus jubilatoire réside cependant dans le corps à corps avec l’œuvre en gestation.


Et quand un ami désire me l'acheter, je suis toujours triste de m'en séparer.

Cette tristesse est peut-être la conséquence d’une peur de l’inconnu, la crainte inconsciente de se lancer dans l’exploration de nouvelles oeuvres ?

L’acquéreur de l’œuvre fait acte d’amour. Son acquisition est le compliment suprême… et silencieux ! L’œuvre va alors commencer à vivre dans un environnement où elle sera reconnue et aimée. Sinon un jour elle risque de s’étouffer, entassée sous d’autres œuvres, et d’amoindrir en l’artiste la motivation de peindre. « Il dépend de celui qui passe que je sois tombe ou trésor » Paul Valéry.

On se sépare de la production matérielle, mais jamais de son esprit. La preuve est que l’œuvre d’art appartient à son propriétaire mais les droits d’auteur appartiennent à l’artiste !

L’œuvre terminée est une dynamique pour le commencement d’une autre, et non une fin en soi. La plus passionnante des œuvres est celle qu’on est en train de faire…








A suivre

Pastel sec sur toile (1)

Pastel sec sur toile (3)








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jeudi 10 janvier 2008

Pastel sec sur toile (1)




Question de Catherine, 17 décembre 2007

Après avoir peint sur du papier Canson, je me lance dans la toile toujours avec le pastel. Est-ce possible de peindre avec le pastel sec sur la toile ? J'ai fait, tout de même, un essai et produit une marine qui me plait bien. Je vous envoie ma dernière création sur le thème de la tauromachie. Qu'en pensez-vous ?



Réponse

Oui, on peut peindre au pastel sec sur une toile mais il y a quelques inconvénients. Le pastel perdra un peu de son éclat sur la surface de la toile qui aura tendance à freiner la touche poudreuse. Par ailleurs, une fixation éventuelle à l’aide d’un fixatif sera moins efficace que sur un support papier.

Cependant la poudre de pastel n’est pas très stable sur le relief de la toile et, si le support est un peu poreux, de la poudre risque de s’infiltrer dans les interstices de la toile. Il serait, dans ce cas, nécessaire d’enduire la toile au préalable d'un enduit convenant au pastel.

Merci d’avoir eu la bonne idée d’envoyer une reproduction d’œuvre. Voir ci-dessous.


L’œuvre est très originale, et stylisée. Est-ce une mise en scène imaginaire ou vous êtes-vous inspirée d’une image ?

La composition est équilibrée malgré l’impact de la masse sombre qui sort du cadre. Les « cellules » brodées du gilet de lumières du toréador font écho à la géométrie de l’arrière-plan ainsi qu’un lien architecturé entre le sujet et le fond ; exemple : une pointe vive du gilet, prête à piquer le taureau, répond à l’angle rouge du fond…

La technique double du pastel (à la fois dessin et peinture) est utilisée de façon optimale. Des aplats de couleur contrastés pour le côté peinture et un graphisme prononcé côté dessin. La partie du support laissée à découvert, façon esquisse, donne un point de fuite à l’œuvre.

Vous n’avez pas eu à superposer des couches de pastel, ce qui est l’idéal. En effet, les superpositions peuvent vite tourner au barbouillage. Ainsi, vos couleurs conservent-elles toute leur fraîcheur.

Cette œuvre est très symbolique à la limite du politique ! Le côté un peu naïf du traitement, le calme qui en émane et la composition fusionnelle de l’homme et la bête en font la force.

A première vue, j’ai cru percevoir, à la place de la corne du taureau, la jambe du toréador vaincu sur un tombereau ! Puis de la végétation et des oiseaux dans les tracés chantants de la tête du taureau ! (Retour de la bête à la nature ?)
L'intensité d’une œuvre réside dans son taux d’imaginaire émotionnel et dans les interprétations qu’elle suscite ! Par exemple la tête du taureau peut être vue de face et de profil à la fois, avec l’œil gauche bien visible. Cette tête remplace celle du toréador et on se demande qui est le bourreau de qui, votre œuvre paraissant mettre tout le monde à égalité…



NB : Encadrement
Le passe-partout bicolore entre en concurrence avec les couleurs de l’œuvre. La fonction du passe-partout étant de mettre l’œuvre en valeur, mieux vaut qu’il soit de couleur neutre.



A suivre

Pastel sec sur toile (2)

Pastel sec sur toile (3)













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